Instabilité de la cheville : l’arthroscopie arrive en renfort
L’entorse de la cheville est le premier traumatisme sportif. L’arthroscopie est en train de révolutionner la prise en charge des entorses chroniques de la cheville. Les techniques se diffusent très vite mais les patients ne sont sans doute pas encore assez sensibilisés au fait qu’ils peuvent enrayer l’instabilité chronique.
INTERVIEW du Docteur Guillo – Chirurgien Orthopédiste et traumatologue
INVIVOX : Initialement spécialiste de l’épaule, qu’est-ce qui vous a amené à devenir un spécialiste des techniques mini-invasives du pied ?
Dr Stéphane GUILLO : Quand je suis arrivé à la Clinique du Sport, les interventions étaient surtout orientées autour du genou et de l’épaule, comme dans la grande majorité des cliniques du sport dans le monde à cette époque car les chirurgiens du sport ne s’intéressaient que très peu à la cheville. J’ai donc décidé de m’occuper de ces patients souffrant de problèmes aux chevilles. De là, j’ai réalisé qu’il y avait de nombreuses techniques arthroscopiques pour l’épaule et le genou qui n’avaient jamais été appliquées à la cheville. L’histoire de l’arthroscopie, comme pour toutes les articulations, s’est faite en trois phases : la première où nous regardons, la deuxième où nous réséquons, et la troisième où nous arrivons à réparer. Aujourd’hui, en arthroscopie de la cheville, nous sommes dans cette troisième phase.
« Nous sommes la première génération de chirurgiens réparateurs arthroscopiques de la cheville ».
INVIVOX : L’arthroscopie de la cheville, chirurgie mini-invasive, est-elle en plein essor ?
Dr Stéphane Guillo : Oui, c’est une évidence. C’est l’avenir dans la chirurgie du sport. Nous vivons la même révolution que nous avons vécu dans les années 80 avec le genou. Nous commençons à avoir des interventions fiables que nous pouvons faire sous arthroscopie. Pour vous donner un ordre d’idée, il y a par jour environ 12 000 entorses aux États-Unis et 6 000 en France. Un malade sur cinq évoluera vers une instabilité chronique de la cheville. Potentiellement, il y a donc 20% de malades souffrant d’une instabilité chronique soit environ 430 000 malades par an. C’est beaucoup plus que les malades qui souffrent des croisés antérieurs. L’intervention leur évitera de souffrir d’arthrose à terme. Plus la ligamentoplastie est anatomique, mieux sera le résultat à long terme.
INVIVOX : Où en sont les techniques ?
Dr Stéphane Guillo : Il y a eu énormément de techniques qui ont été décrites (environ 200) en réparation et en reconstruction (anatomique ou non-anatomique) des ligaments. Nous savons aujourd’hui que les réparations non-anatomiques ne fonctionnent pas très bien sur le long terme. Il reste aujourd’hui des indications de réparation ou de reconstruction quand les ligaments sont trop cassés. La problématique est qu’il y a de nombreux malades qui ont une instabilité de cheville pour laquelle ils sont sans suivi et a fortiori sans opération.
La publication du Dr James Nunley montre qu’une prothèse de cheville sur 5 est due à une entorse de cheville.
Il faut donc arriver à traiter les patients avant d’arriver à la pose de prothèse en leur offrant un traitement conservateur chirurgical pour préserver leur cheville avant sa destruction.
INVIVOX : Quels sont les points forts de l’arthroscopie dans la prise en charge de l’instabilité chronique de la cheville ?
Dr Stéphane Guillo : Premièrement, l’arthroscopie permet de diminuer les complications (ce qui est prouvé aussi au niveau de l’épaule et du genou). À chaque fois que nous mettons un arthroscope dans une articulation, nous rencontrons moins de complications. Si ça n’est pas encore prouvé au niveau de la cheville, nous savons cependant que la chirurgie de la cheville à ciel ouvert est trois fois plus dangereuse que la chirurgie de l’épaule ou du genou. Nous avons donc trois fois plus de risques de complications lorsque nous opérons une cheville que lorsque nous opérons une épaule ou un genou. Il est donc fort probable que pour la cheville plus qu’ailleurs, nous ayons besoin de recourir à l’arthroscopie. Deuxièmement, il est possible que le placement de la greffe lors d’une ligamentoplastie de reconstruction de la cheville soit meilleur, car plus proche de l’anatomie, sous arthroscopie qu’à ciel ouvert.
INVIVOX : Pourquoi les entorses graves de cheville évoluent en entorses chroniques ? Pourquoi ne pas opérer immédiatement du fait de ces techniques mini-invasives ?
Dr Stéphane Guillo : Une fois sur cinq l’entorse devient chronique ; c’est quand le ligament ne cicatrise pas. Nous n’opérons donc pas immédiatement (sauf des cas très rares avec les sportifs de haut niveau par exemple) car nous laissons une chance au ligament de cicatriser.
INVIVOX : Pourquoi y-a-t-il une grande disparité des traitements du ligament latéral de la cheville ?
Dr Stéphane Guillo : Il y a moins de disparité depuis le développement de l’arthroscopie car nous commençons à disposer de techniques fiables. Le « gold standard » est le Brostrom Gould, que nous allons enseigner dans cette formation, qui est basé sur les consensus et les recommandations qui ont été décrite sur l’entorse de cheville.
Ligamentoplastie de la cheville type Brostrom Gould
INVIVOX : Pouvez-vous nous développer ce nouveau concept « all inside » de reconstruction anatomique de ligament latéral de la cheville avec cette technique Brostrom Gould ?
Dr Stéphane Guillo : Brostrom Gould est donc la technique à ciel ouvert avec renforcement du ligament. La technique « all inside » signifie que tout est fait sous arthroscopie. Pour ma part, je suis à l’initiative du « All inside Gould », c’est-à-dire que personne n’avait jusqu’alors décrit la dissection du rétinaculum sous endoscopie. L’avantage de cette technique, par rapport aux autres également sous arthroscopie, est de se rapprocher le plus possible de ce qui a été décrit à ciel ouvert. C’est-à-dire que les autres techniques arthroscopiques font des compromis que nous ne faisons pas dans la technique « All inside Gould ».
INVIVOX : La chirurgie, en général, et l’orthopédie, en particulier, est pleine de « trucs et astuces », pouvez-vous en partager un avec nous ?
Dr Stéphane Guillo : Au début de l’intervention, il faut faire la voie d’abord en flexion dorsale.
INVIVOX : Quels sont les bénéfices pour les participants ?
Dr Stéphane Guillo : Ils sauront avoir un bon raisonnement sur les indications, faire un bilan lésionnel par arthroscopie et adapter les gestes chirurgicaux aux lésions. Le but est qu’au sortir de ce cours, les participants aient en mains toutes les alternatives possibles pour prendre les bonnes décisions et qu’ils sachent parfaitement reproduire la technique.
MASTERCLASS : Arthroscopic Brostrom Gould and Anatomical Reconstruction (14/15 février 2020)